Lisbonne: au coeur des découvertes

Article : Lisbonne: au coeur des découvertes
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04/11/2012

Lisbonne: au coeur des découvertes

Praça do Comercio

Considéré une protubérance de l’Espagne, le Portugal  et sa culture sont souvent assimilés dans le concept de péninsule ibérique. Vrai, mais que partiellement. Le Portugal  est un Pays riche en histoire et culture, qui a formé certains des personnages les plus importants du XVI siècle. C’est les navigateurs portugais qui ont entrepris les grands voyages d’exploration  aux Amériques, après Christophe Colomb.  Lisbonne, capitale d’un Pays dont on parle peu aujourd’hui, était un centre névralgique pour le commerce avec le nouveau monde et l’Orient, une ville cosmopolite ante litteram qui se présentait aux yeux des gens du monde entier en toute sa richesse lorsqu’ils y arrivaient par mer. Quand je l’ai vue,  Lisbonne – paraphrasant l’écrivain italien Antonio Tabucchi – brillait. J’étais partie une froide dimanche matin d’hiver milanais et j’y arrivais dans un après-midi ensoleillé quasiment de printemps. Le ciel avait une couleur ouvertement céleste et un léger  vent caressait la ville : c’était le portrait exact que j’avais lu dans « Pereira Prétend». Après une rapide promenade le long des boutiques d’Avenida Libertade, je suis arrivée au cœur de la ville : la Praça do Comercio. Cette place, autrefois siège du Palais Royal reconstruite après le tremblement de terre de 1755, est le lieu le plus représentatif de  Lisbonne  pour sa grandeur  et la proximité à la mer, qui en délimite la partie méridionale. C’est aussi le lieu de rencontre et de rassemblement préféré par les Lisbonnais: au soleil de  Praça do Comercio on se donne rendez-vous, on manifeste contre les mesures d’austérité, on y va pour réfléchir face à l’océan. D’ici on peut choisir : soi on prend à la gauche pour explorer l’Alfama, soi on va tout droit, vers les cafés de Baixa et les boutiques du Chiado, soi on suit la mer le long de la promenade qui connecte  le centre de la ville au quartier du Belem. Quelque soit le choix, il faut savoir se perdre dans les rues de Lisbonne, se mettre dans un tram sans demander la direction ni regarder le numéro,  en sachant qu’on a la mer sur la coté méridionale  pour s’orienter.

En arrivant à l’Alfama

J’ai décidé ma première direction, en buvant une bica – un café –  chez Martinho da Arcada. Cet ancien bistrot sur la Praça do Comercio était un des endroits préférés de Fernando Pessoa et c’est sous ces arcades qu’il a écrit des poèmes parmi les plus émouvants de son œuvre. «On ne comprend pas Lisbonne si on ne connait très bien l’Alfama» me dit un vieux lisbonnais, me voyant prise par la lecture de ma guide. Et il avait raison. Si Praça do Comercio est le cœur de la ville, l’Alfama en est son sang. Quartier populaire et ouvrier autrefois comme aujourd’hui: ici on parle avec les gens assis hors de leur maisons quand il est chaud, on entend les conversations des dames aux fenêtres qui égouttent le linge sur la même ficelle, on peut être enfant pendant quelques heures si un groupe de petits alfacinhas cherche un joueur de foot pour un match routard, on peut arriver par hasarde à un miradouro et s’arrêter pendant des heures en face à la mer. C’est le lieu où le Fado est nait, il y a long temps, et le lieu où on peut encore l’entendre comme il était chanté avant d’être connu à niveau international grâce à la voix nostalgique d’Amalia Rodrigues. Le fado – la chanson de Lisbonne – appartient à la tradition musicale, qui lie plusieurs cultures de l’Europe du Sud. Comme le rebetiko grec, le flamenco espagnol, la tarantella  italienne jusqu’au tango argentin né parmi les émigrés italiens, les origines du fado sont populaires. On le joue avec une guitarre – la guitarra portugueisa – et la viola do fado. C’est la chanson de la nostalgie – la saudade – car il parle de distance, de douleur, d’amour non partagé et récemment  il est devenu patrimoine immatériel de l’humanité. L’Alfama offrent encore des scènes de fado vadio: il s’agit du chant spontané, performé aux fêtes privées, dans la rue où au restaurant par les gens communs, qui chantent pour passion. Et aussi pour nostalgie.

Déscendant vers Baixa

L’autre face de Lisbonne sont les quartiers de Baixa et Chiado, où on retrouve la majesté des capitales d’Europe. Praça da Figueira,  Praça Dom Pedro IV (mieux connue comme Rossio) ainsi que les boulevards qui se bifurquent d’elles rappelle un peu l’architecture parisienne. Le quartier de Baixa fut complètement reconstruit après un violent tremblement de terre au XVII siècle. C’était le marquis de Pombal qui pensa le projet et donna à Baixa l’aspect qu’on admire aujourd’hui. C’est la Lisbonne du commerce, autrefois centre de pouvoir, aujourd’hui une des capitales de l’Europe en crise. « On est la périphérie » commente une dame chez la Confeitaria Nacional «On peut seulement résister » me dit, après m’avoir conseillé de commander un bolo-rei, la brioche spéciale de la maison. Il ne reste que la nostalgie du Fado pour expliquer l’effet que la crise est en train de générer surtout sur les jeunes portugais. « Il faut émigrer » me dit un des jeunes employés d’un espace théâtral au Chiado, où tous les soirs on peut voir un spectacle de Fado. La même chose qu’on pense tous en Europe du Sud.

 

Padrão dos Descobrimentos

La dernière étape du périple portugais est le quartier de Belem, situé au bord de la mer. Le monastère des Hiéronymites ainsi que la Tour du Belem, les deux financés par les profits des voyages et des commerces internationaux, sont deux exemples de la richesse culturelle avant qu’économique du Portugal aux XVI et XVII siècles. Mais le vrai esprit portugais et la vraie essence de Lisbonne sont représentés par le Padrão  dos Descobrimentos –  le monument aux découvertes géographiques – construit en 1960 en souvenir d’Henri le Navigateur, le mécénat des explorateurs, et de la puissance commerciale et navale du Portugal. Situé au bord de la mer, vers l’horizon où encore aujourd’hui les vrais voyageurs regardent lors d’un départ, à la recherche d’un nouveau monde, d’une nouvelle aventure, d’une nouvelle raison d’être.

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